Précisions sur l’action d’un associé d’une SCM de médecins exclu en remboursement de ses parts

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Les faits

Un médecin associé d’une société civile de moyens (SCM) informe le gérant de son intention de se retirer de la société en juin 2000. Lors d’une assemblée tenue en 2001, les autres associés refusent ce retrait et, lui reprochant divers manquements à ses obligations, le mettent en demeure de les respecter sous deux mois. En 2012, une cour d’appel juge que l’intéressé a été exclu de la SCM lors de cette assemblée. Presque cinq ans plus tard, en 2017, le médecin demande au président du tribunal de nommer un expert pour fixer la valeur de ses parts sociales comme le permet l’article 1843-4 du Code civil. L’expert désigné rend son rapport en 2018. N’ayant pas été remboursé de la valeur de ses droits sociaux, le médecin agit en paiement contre la société et ses coassociés en 2020.

Une cour d’appel déclare cette action prescrite. Le médecin conteste cette décision en soutenant que la prescription n’avait pas commencé à courir, faute pour la SCM de lui avoir transmis une proposition de remboursement de ses parts, et qu’en tout état de cause, la prescription avait été interrompue par la demande de désignation d’un expert.

Décision de la Cour de cassation

Sur le premier point, la Cour de cassation rejette l’argument du médecin : en cas de contestation de l’exclusion d’un associé de SCM de médecins, la prescription de l’action en remboursement des droits sociaux court à compter du jour où la décision de justice se prononçant sur l’exclusion est passée en force de chose jugée. Pour la Cour, la prescription de l’action du médecin avait donc commencé à courir en 2012.

En revanche, la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel concernant l’incidence de la désignation d’un expert sur la prescription. La demande de désignation d’un expert chargé de fixer la valeur des droits sociaux sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil, qui donne lieu à une assignation et introduit une procédure contradictoire au fond, constitue une demande en justice interrompant la prescription de l’action de l’associé en remboursement de la valeur de ses droits sociaux.

Cette solution s’explique par la nature de la procédure en cause. En effet, le tiers prévu par l’article 1843-4 est désigné, à défaut d’accord entre les parties, par jugement du président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond (C. civ. art. 1843-4, I-al. 1). Cette procédure permet d’obtenir, dans un calendrier resserré, une décision ayant autorité de chose jugée au fond (CPC art. 480 et 481-1). Tel était le cas aussi dans le régime antérieur à la modification de l’article 1843-4 par l’ordonnance 2019-738 du 17 juillet 2019, qui était applicable à la présente affaire lors de la nomination de l’expert. Le juge, saisi par une assignation, statuait alors « en la forme des référés » (C. civ. art. 1843-4 ancien), c’est-à-dire par une ordonnance qui avait, elle aussi, autorité de la chose jugée.

La solution s’applique à notre avis dans toutes les sociétés, lorsqu’un associé a droit au paiement de la valeur de ses droits sociaux (en cas d’exclusion, de retrait, de rachat consécutif à un refus d’agrément, etc.) et qu’un expert est désigné sur le fondement de l’article 1843-4 pour en fixer la valeur.

 

Cass. com. 10-7-2024 n°22-24.794

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