La propriétaire d’un fonds de commerce de lingerie, qu’elle exploite dans des locaux pris en location, fait apport de son fonds à une SARL, dont elle est associée avec son fils, lequel en devient le gérant, et le bail se poursuit avec la société. Les bailleurs, des personnes physiques propriétaires des locaux loués en indivision, délivrent un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime sans offre d’indemnité d’éviction, invoquant divers agissements de la mère et de son fils.
La cour d’appel de Rouen estime que les manquements imputés à la mère, associée de la société locataire, peuvent être retenus par les bailleurs. A cet égard, elle précise que seuls peuvent être invoqués contre le locataire des manquements qu’il a lui-même perpétrés, à l’exclusion de ceux de son prédécesseur, et que sont assimilés au locataire sortant les membres de sa famille, préposés, sous-locataires, locataire-gérant ou copreneur.
La cour retient, par ailleurs, que les motifs suivants sont suffisamment graves et légitimes pour justifier le congé et l’absence d’indemnité d’éviction :
À noter
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu du paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant (C. com. art. L 145-7, I-1o).
Le motif grave et légitime du refus de renouvellement peut être constitué par une faute imputable au locataire ou aux personnes dont il répond (Cass. 3e civ. 11-6-2008 no 07-14.256). Ainsi jugé que :
· les actes commis par les représentants légaux d’une société sont imputables à cette dernière, même s’ils n’entrent pas dans l’objet social (Cass. 3e civ. 29-6-1977 no 75-15.264) ;
· peuvent être retenues les violences du conjoint du locataire exercées sur le bailleur (Cass. com. 14-2-1961 no 59-10.106) ou les violences commises par un préposé du locataire contre le bailleur (Cass. com. 10-10.1961 no 59-13.141), voire les violences exercées sur la femme du bailleur par un colocataire (Cass. 3e civ. 6-3-1996 no 94-12.163).
Les motifs retenus pour justifier le congé sans indemnité d’éviction peuvent être de deux ordres. Il peut s’agir de motifs liés à l’exécution du bail. Tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, le locataire ne respecte pas le règlement de copropriété. Tel est également le cas si le locataire ne respecte pas la destination du bail (CA Rouen 3-3-2010 no 09-772). Il peut également s’agir de motifs extracontractuels. il en est ainsi des violences exercées par le locataire sur le bailleur (CA Pau 7-4-2008 no 05-1070) ou encore du fait pour le locataire de produire, au cours de l’expertise destinée à évaluer l’indemnité d’éviction, des documents qu’il savait inexacts, en vue de bénéficier d’une augmentation indue du montant de cette indemnité (Cass. 3e civ. 19-12-2001 no 00-14.425).
CA Rouen 14-9-2023 n° 21/04099.
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