Quelles décisions collectives peut contester l'usufruitier de droits sociaux ?

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L'usufruitier de parts d'une société civile immobilière (SCI) sollicite l'annulation, pour abus de majorité, d'une assemblée générale ayant décidé d'augmenter le capital de la société, ainsi que de toutes les délibérations et consultations écrites postérieures, en ce qu'elles ont été adoptées avec les majorités issues de l'augmentation de capital contestée.

Une cour d'appel déclare son action irrecevable : les statuts de la SCI énonçaient que les usufruitiers étaient irrecevables à contester toute décision collective quelle que soit sa forme, à la seule exception des décisions collectives portant sur l'affectation des résultats ; or les décisions contestées par l'usufruitier n'étaient pas des décisions relatives à l'affectation des résultats et il n'y avait pas lieu de rechercher si elles étaient susceptibles d'avoir une incidence indirecte sur son droit de jouissance.

L'arrêt est censuré par la Haute Juridiction sur le fondement des articles 578 du Code civil (« l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance »), 31 du Code de procédure civile (« l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ») et 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme (toute personne a droit à un recours effectif au juge).

Si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l'affectation des bénéfices, ils ne peuvent pas, en revanche, priver l'usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

À noter

La décision commentée apporte deux enseignements majeurs. D'une part, outre le droit de provoquer une délibération susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance, l'usufruitier peut demander l'annulation d'une décision susceptible d'avoir un tel effet. Ce droit n'est donc pas limité aux décisions pour lesquelles le droit de vote est réservé à l'usufruitier, la Cour de cassation ayant choisi un critère plus large – l'incidence directe sur le droit de jouissance –, étant rappelé que ce critère est source d'interprétation et donc de difficultés.

D'autre part, les statuts ne peuvent pas prévoir une stipulation générale privant l'usufruit du droit de contester toute décision car parmi ces décisions, certaines pourront avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. Ainsi en dépit d'une telle stipulation (qui sera privée d'effet), l'usufruitier conserve le droit d'agir, la recevabilité de son action ne pouvant être écartée pour ce seul motif. En revanche, restera entière la question du bien-fondé de sa demande et donc l'appréciation de l'atteinte directe portée à son droit de jouissance, l'examen de la recevabilité de l'action étant distincte de celui du bien-fondé de la demande.

Cass. 3e civ. 11‑7‑2024 n° 23‑10.013

© Lefebvre Dalloz