Le partage de la valeur au sein de l’entreprise

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Partage de la valeur dans les entreprises de moins de 50 salariés

 

Un dispositif obligatoire de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 49 salariés

 

Actuellement, les entreprises de moins de 50 salariés peuvent mettre en place en faveur de leurs salariés, de façon facultative, un des dispositifs de partage de la valeur suivants : un régime de participation, un régime d’intéressement, un plan d’épargne salariale ou une prime de partage de la valeur (PPV). La loi « partage de la valeur » instaure, à titre expérimental et durant 5 ans, une obligation de mise en place d’un dispositif de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés sous certaines conditions.

 

Entreprises concernées. À titre expérimental et pendant 5 ans à compter du 29‑11‑2023 (soit jusqu’au 29‑11‑2028), les entreprises d’au moins 11 salariés qui ne sont pas tenues de mettre en place un régime de participation (les entreprises de 11 à moins de 50 salariés) et qui ont réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs devront mettre en place un dispositif de partage de la valeur au cours de l’exercice suivant (Loi art. 5).

 

À noter. Le bénéfice net fiscal est calculé selon les modalités de calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) (C. trav. art. L 3324‑1,1‹).

 

Quatre dispositifs possibles. L’entreprise remplissant ces conditions devra :

– soit mettre en place un régime de participation (adhésion à un accord de branche agréé ou application d’un régime de participation volontaire) ou un régime d’intéressement (adhésion à un accord de branche agréé ou accord ou décision unilatérale dans les conditions légales) ;

– soit mettre en place un régime de participation moins favorable que le régime légal (voir ci-après) ;

– soit abonder un plan d’épargne salariale (PEE, PE interentreprises – PEI, Perco, Perco interentreprises – Percoi, Pereco ou un Pereco interentreprises – Perecoi) selon les modalités légales ;

– soit verser une prime de partage de la valeur (PPV) (Loi art. 5, I).

 

Ne seront pas visées par cette obligation les entreprises dans lesquelles un des dispositifs mentionnés ci-dessus s’applique déjà au titre de l’exercice considéré, les entreprises individuelles et les sociétés anonymes à participation ouvrière (Sapo) versant un dividende à leurs salariés au titre de l’exercice écoulé et dont le taux d’intérêt sur la somme versée aux porteurs d’actions de capital est égal à 0 % (Loi art. 5, II et III).

 

Entrée en vigueur. Cette obligation de mettre en place un des 4 dispositifs de partage de la valeur mentionnés ci-dessus entrera en vigueur pour les exercices ouverts après le 31‑12‑2024, soit ouverts à compter du 1‑1-2025. Les 3 exercices précédents seront pris en compte pour l’appréciation du respect de la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal (Loi art. 5, IV). Donc, le bénéfice net fiscal des exercices de 2022, 2023 et 2024 sera pris en compte pour la mise en place d’un dispositif de partage de la valeur pour l’exercice 2025.

 

Une participation moins favorable dans les entreprises de moins de 50 salariés

 

À titre expérimental et durant 5 ans à compter du 29‑11‑2023 (soit jusqu’au 29‑11‑2028), les entreprises non tenues de mettre en place un régime de participation (les entreprises de moins de 50 salariés) peuvent désormais mettre en application un régime de participation dérogeant à la formule légale de participation et à la règle de l’équivalence des avantages consentis pour les salariés (Loi art. 4).

 

Rappel. Jusqu’au 30‑11‑2023, ces entreprises ne pouvaient établir un régime de participation prévoyant une formule dérogatoire de calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) à la formule légale que si ce régime comportait, pour les salariés, des avantages au moins équivalents (C. trav. art. L 3324‑2).

 

Modalités de mise en place. Depuis le 1‑12‑2023,

les entreprises de moins de 50 salariés peuvent mettre en place un régime de participation dérogatoire comportant des avantages plus favorables ou moins favorables pour les salariés que ceux obtenus avec la formule légale :

 

– soit par application d’un accord de participation conclu au niveau de la branche (adhésion par accord ou par décision unilatérale) (C. trav. art. L 3322‑9) ;

Bon à savoir. À cet effet, chaque branche professionnelle doit ouvrir une négociation pour la mise en place d’un régime de participation dérogatoire au plus tard le 30‑6-2024 (Loi art. 4, III).

 

– soit en concluant un accord de participation selon les modalités de l’article L 3322‑6 du Code du travail, (par convention ou accord collectif de travail, accord entre l’employeur et les syndicats représentatifs dans l’entreprise, accord conclu au sein du CSE ou un projet d’accord ratifié à la majorité des 2/3 du personnel) (Loi art. 4, I).

 

Entreprises appliquant déjà un accord de participation. Les entreprises de moins de 50 salariés qui appliquent déjà volontairement un régime de participation au 1‑12‑2023 ne peuvent opter pour un régime de participation dérogatoire moins favorable concernant les avantages consentis aux salariés qu’en concluant un accord dans les conditions prévues à l’article L 3322‑6 du Code du travail (Loi art. 4, II). Ainsi, la mise en place d’un régime de participation dérogatoire par une décision unilatérale est impossible.

 

Mise en place de la participation en cas de franchissement du seuil de 50 salariés

 

Rappel. Pour déclencher l’obligation de mise en place de la participation, les effectifs de l’entreprise doivent avoir été égaux ou supérieurs à 50 salariés chaque année durant 5 ans consécutifs (C. trav. art. L 3322‑1). Cependant, les entreprises ayant déjà conclu un accord d’intéressement et qui atteignaient le seuil de 50 salariés étaient dispensées de l’obligation de négocier un accord de participation pendant 3 ans après le franchissement de ce seuil, si l’accord était appliqué sans discontinuité pendant cette période (C. trav. art. L 3322‑3). L’administration considérait que ce délai de report de 3 ans se cumulait avec le délai de droit commun de 5 ans. Pour une entreprise déjà dotée d’un accord d’intéressement appliqué sans discontinuité durant 3 ans qui franchissait le seuil de 50 salariés, l’assujettissement à la participation pouvait être décalé de 8 ans au total.

 

Suppression du report de 3 ans. Pour mettre fin à cette situation et accélérer la généralisation de la participation dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le report de 3 ans en présence d’un accord d’intéressement appliqué sans discontinuité durant 3 ans est supprimé depuis le 1‑12‑2023, par l’abrogation de l’article L 3322‑3 du Code du travail (Loi art. 7, I).

 

Maintien du report de 3 ans pour les entreprises déjà bénéficiaires. Cependant, les entreprises qui bénéficiaient de ce report de 3 ans avant le 1‑12‑2023 et qui ne sont tenues d’appliquer un régime de participation qu’à compter du 3e exercice clos après le franchissement du seuil de 50 salariés conservent le bénéfice de cette disposition jusqu’au terme du report (Loi art. 7, II).

 

Partage de la valeur dans les entreprises d’au moins 50 salariés

 

Obligation de négocier en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal. Dès lors qu’une entreprise d’au moins 50 salariés réalise un bénéfice exceptionnel, la loi lui impose de verser un supplément de participation ou d’intéressement ou d’ouvrir une négociation sur la mise en place d’un dispositif de partage de la valeur, pour aller au-delà de ce que donne la formule légale de participation (étude d’impact p. 61).

 

Entreprises dotées d’au moins un délégué syndical.

Depuis le 1‑12‑2023, lorsqu’une entreprise tenue de mettre en place un régime de participation (donc d’au moins 50 salariés) qui dispose d’un ou de plusieurs délégués syndicaux (DS) ouvre une négociation pour mettre en oeuvre un dispositif d’intéressement ou de participation, cette négociation doit porter également :

– sur la définition d’une augmentation exceptionnelle de son bénéfice net fiscal (tel que défini à l’article L 3324‑1 du Code du travail pour le calcul de la RSP) ;

– sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent si cette augmentation exceptionnelle se produit (Loi art. 8, I).

 

Bon à savoir. La définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice doit prendre en compte des critères tels que la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation, dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées d’attributions d’actions gratuites aux salariés, les bénéfices des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice.

 

Modalités du partage de la valeur en raison d’un bénéfice exceptionnel. Ce partage de la valeur prenant en compte le bénéfice exceptionnel peut être mis en oeuvre :

– soit par le versement d’un supplément de participation ou d’un supplément d’intéressement, si un dispositif d’intéressement s’applique dans l’entreprise ;

– soit par l’ouverture d’une nouvelle négociation pour mettre en place un dispositif d’intéressement (s’il n’y en a pas dans l’entreprise), verser un supplément d’intéressement ou de participation si l’accord en application duquel il est versé a déjà donné lieu à un versement, abonder un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, Perco, Percoi ou Pereco) ou verser la PPV (C. trav. art. L 3346‑1, I nouveau).

 

Ne sont pas visées par cette obligation les entreprises ayant mis en place un accord de participation ou d’intéressement comprenant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ou un régime de participation comportant une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule légale de calcul de la RSP (C. trav. art. L 3346‑1, II nouveau ; Loi art. 8, I).

 

Entrée en vigueur. Les entreprises soumises à l’obligation de négocier sur le partage de la valeur en cas de réalisation d’un bénéfice exceptionnel qui appliquent déjà un accord d’intéressement ou de participation à la date du 29‑11‑2023 doivent engager une négociation sur la définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et les modalités de partage de la valeur avec les salariés avant le 30‑6-2024 (Loi art. 8, II).

 

À noter. La loi de finances pour 2024 prévoit que les suppléments de participation et d’intéressement versés au titre d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice sont imposés dans les conditions de droit commun de l’intéressement et de la participation (LF 2024 art. 5 tertricies, IV en cours d’adoption).

 

Sécuriser les accords d’intéressement prévoyant des primes plus favorables aux bas salaires

La répartition de l’intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice ou proportionnelle aux salaires. L’accord peut également retenir conjointement ces différents critères (C. trav. art. L3314‑5).

 

Depuis le 1‑12‑2023, lorsque l’accord d’intéressement prévoit une répartition de l’intéressement entre les bénéficiaires en fonction du salaire, il peut fixer un salaire plancher, un salaire plafond ou les deux, servant de base de calcul de la part individuelle (Loi art. 14 ; C. trav. art. L 3314‑5, al. 2 nouveau).

 

Cette mesure vise à favoriser les salariés ayant un bas salaire en cas de répartition de la prime d’intéressement proportionnellement aux salaires, qui peuvent ainsi bénéficier d’une prime d’intéressement plus élevée. Elle sécurise les accords d’intéressement prévoyant déjà des primes plus élevées pour les bas salaires (étude d’impact p. 105 et s.).

 

Évolutions de la prime de partage de la valeur

 

Rappel. Les employeurs ont la possibilité de verser, depuis le 1‑7-2022, à leurs salariés une prime de partage de la valeur (PPV) d’un montant de 3 000 € par bénéficiaire et par année civile ou de 6 000 € par bénéficiaire et par année civile pour les employeurs ayant mis en place un accord d’intéressement ou de participation. Le versement de la PPV peut s’effectuer en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre. Son montant peut être modulé en fonction de plusieurs critères : la rémunération, le niveau de classification, l’ancienneté dans l’entreprise, la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail.

 

La PPV bénéficie :

– d’une exonération des cotisations sociales salariales et patronales d’origine légale ou conventionnelle, de la participation patronale à l’effort de construction, des contributions patronales au financement de la formation et de l’alternance, de la CSG et de la CRDS, du forfait social (si l’entreprise en est redevable) et de l’impôt sur le revenu (IR), lorsqu’elle est versée, entre le 1‑7-2022 et le 31‑12‑2023, à des salariés percevant une rémunération, sur les 12 mois précédant le versement de la prime, inférieure à 3 Smic annuels ;

– d’une exonération seulement des cotisations sociales salariales et patronales d’origine légale ou conventionnelle, de la participation patronale à l’effort de construction et des contributions patronales au financement de la formation et de l’alternance, lorsqu’elle est versée depuis le 1‑7-2022 à des salariés dont la rémunération excède 3 Smic annuels, et à compter du 1‑1-2024 à l’ensemble des salariés, quel que soit leur niveau de rémunération.

 

Possibilité de verser deux PPV par année civile

 

Depuis le 1‑12‑2023, deux PPV peuvent être attribuées au titre d’une même année civile. Le versement des deux PPV peut s’effectuer en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre au cours de l’année civile (Loi art. 9, 2°).

 

Les PPV attribuées bénéficient des exonérations sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite globale de 3 000 € ou de 6 000 € par bénéficiaire et par année civile, si elles en remplissent les conditions (Loi art. 9, 3° et 4°).

 

À noter. La PPV est désormais inscrite dans le champ du partage de la valeur et de l’épargne salariale.

 

Prolongation de 3 ans des exonérations pour les PPV versées par les entreprises de moins de 50 salariés

 

Les PPV versées, entre le 1‑1-2024 et le 31‑12‑2026, par une entreprise employant moins de 50 salariés à des salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant leur versement, une rémunération inférieure à 3 Smic annuels pour la durée du travail prévue au contrat de travail (calculé selon les modalités de la réduction générale de cotisations) sont exonérées de l’ensemble des cotisations sociales salariales et patronales d’origine légale ou conventionnelle, de la participation patronale à l’effort de construction et des contributions patronales au financement de la formation et de l’alternance, de CSG-CRDS et du forfait social, ainsi que de l’impôt sur le revenu (Loi art. 9, 5°).

 

À noter. Les PPV exonérées restent incluses dans le montant du revenu fiscal de référence (CGI art. 1417, IV-1°).

 

Exonération d’impôt sur le revenu en cas d’affectation de la PPV à un plan d’épargne salariale ou à un Pere

 

Lorsqu’un salarié a adhéré à un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, Perco) ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise (Pere : Pereco ou Pero) et qu’il affecte à la réalisation de ce plan, dans un délai défini par décret, tout ou partie des PPV qui lui sont attribuées, ces sommes seront exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite globale de 3 000 € ou de 6 000 € par an. L’employeur devra informer le salarié bénéficiaire des sommes qui lui sont attribuées au titre des PPV et du délai dans lequel il peut formuler sa demande d’affectation au plan d’épargne salariale ou au Pere (Loi art. 9, 5°).

 

Abondement de l’employeur. Les sommes provenant des PPV qui sont affectées à un plan d’épargne salariale ou à un Pere pourront faire l’objet d’un abondement de la part de l’employeur (Loi art. 11, I-2° ; C. trav. art. L 3332‑11, al. 1 modifié).

 

Avances sur intéressement et participation

 

L’accord d’intéressement ou de participation pourra prévoir le versement, en cours d’exercice, d’avances sur les sommes dues au titre de l’intéressement ou de la réserve spéciale de participation aux salariés bénéficiaires. Ces avances seront versées au bénéficiaire, après avoir recueilli son accord, selon une périodicité qui ne pourra être inférieure au trimestre (Loi art. 12 ; C. trav. L 3348‑1 nouveau).

 

Remboursement du trop-perçu. Lorsque les droits définitifs attribués au bénéficiaire au titre de l’intéressement ou de la participation seront inférieurs à la somme des avances reçues, le trop-perçu sera intégralement reversé par le bénéficiaire à l’employeur sous la forme d’une retenue sur salaire (dans la limite de 1/10e du montant du salaire). Si le trop-perçu a été affecté à un plan d’épargne salariale, il ne pourra pas être débloqué et constituera un versement volontaire du bénéficiaire n’ouvrant pas droit aux exonérations fiscales et sociales applicables aux primes d’intéressement et de participation (C. trav. art. L 3312‑4, L 3315‑1 à L 3315‑3 et L 3325‑1 à L 3325‑4). Un décret doit déterminer les conditions d’information des bénéficiaires.

 

Loi 2023‑1107 du 29‑11‑2023 transposant l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise art. 4, 5, 7, 8, 9, 12 et 14, JO du 30.

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