Industrie verte : quels changements pour les entreprises ?

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Afin d’accélérer la réindustrialisation du pays et faire de la France le leader de l’industrie verte en Europe, la loi relative à l’industrie verte a été publiée au Journal officiel du 24‑10‑2023. Le texte est censé répondre à l’Inflation Reduction Act américain.

 

Faciliter l’implantation des sites industriels

Plusieurs dispositions visent à améliorer et accélérer les procédures de réhabilitation des friches et la dépollution des sites industriels.

Implantation de nouvelles usines

Afin d’accélérer l’implantation de nouvelles usines, la procédure d’autorisation environnementale est simplifiée.

L’instruction du dossier de demande par les services et par l’autorité environnementale et la consultation du public seront désormais menées simultanément.

L’objectif est de diviser par deux les délais de délivrance des autorisations, de 17 mois aujourd’hui à 9 mois demain (Loi art. 4, I-9° ; C. envir. art. L 181‑10‑1 nouveau).

Réhabilitation des friches

Pour réhabiliter plus rapidement des friches industrielles, la procédure de cessation d’activité des anciens sites industriels est facilitée (Loi art. 8 ; C. envir. art. L 512‑21 modifié).

Liquidation d’entreprises exploitant des IPCE

En cas de liquidation des entreprises exploitant des installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE), le remboursement de la créance relative aux frais de mise en sécurité environnementale du site sera priorisé. Les dépenses correspondantes seront inscrites dans la liste des créances à payer à leur échéance ou par privilège lorsqu’elles sont nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire. Cette disposition s’applique aux liquidations judiciaires ouvertes ou prononcées après la promulgation de la présente loi, soit à compter du 23-10-2023 (Loi art. 14, II ; C. com. art. L 641‑13, I al. 4 nouveau).

Projets industriels d’intérêt majeur

Enfin, une procédure exceptionnelle simplifiée est créée pour les projets industriels d’intérêt national majeur définis comme « un projet industriel qui revêt, eu égard à son objet et à son envergure, notamment en termes d’investissement et d’emploi, une importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale ». Cette procédure dérogatoire est réservée aux projets de très grandes usines ou gigafactories, qui seront identifiés par décret. Cette procédure simplifiée permettra notamment une mise en compatibilité plus rapide des documents locaux d’urbanisme et des documents de planification régionale, des procédures de raccordement électrique accélérées, la possibilité de reconnaissance d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), la délivrance du permis de construire par l’État et non plus par les communes. Toutefois, les maires ou présidents d’intercommunalités du lieu d’implantation du projet et, éventuellement les régions, devront donner leur accord en amont de la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme. De plus, les régions pourront signaler à l’État des projets d’intérêt national majeur (Loi art. 19 ; C. urb. art. L 300‑6-2 nouveau).

 

Encourager le recyclage des déchets industriels

Simplification de l’usage de matières premières recyclées dans le processus de production

La loi industrie verte vise à simplifier l’usage de matières premières recyclées en permettant aux plateformes industrielles de recycler, sans démarche particulière, les résidus de production, dès lors qu’ils sont utilisés dans un processus de production au sein de cette même plateforme industrielle et que la substance ou l’objet n’a pas d’incidence globale nocive pour l’environnement ou la santé humaine. Lorsque le résidu de production est susceptible d’être dangereux, l’exploitant de l’installation devra avoir transmis à l’autorité administrative compétente les éléments garantissant sa non-nocivité (Loi art. 6, I-2° ; C. envir. art. L 541‑4-5 nouveau).

Des sanctions plus sévères

Le texte durcit les sanctions applicables en cas de non-respect de la réglementation sur les déchets.

Ainsi, les sanctions pour le non-respect de la réglementation sur les déchets et leurs transports sont portées de 2 à 4 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende au lieu de 75 000 € (de 7 à 8 ans et 500 000 € contre 150 000 € lorsque l’infraction est commise en bande organisée) (Loi art. 7 ; C. envir. art. L 541‑46, I et VII modifiés).

Amende pour transfert illégal de déchets

Par ailleurs, afin de limiter les dépôts sauvages dans des pays étrangers où les contrôles sont parfois insuffisants, la loi crée une amende administrative pour sanctionner le transfert illicite de déchets hors de France (Loi art. 6, I-3°-d ; C. envir. art. L 541‑42‑3 nouveau). Ainsi, le montant de l’amende pourra s’élever jusqu’à 5 fois le coût de traitement des déchets concernés par le transfert illicite. Cette amende pourra être prononcée par le ministre chargé de l’environnement jusqu’au 3 ans (contre 1 an auparavant) après le constat du transfert illicite.

 

Reporter l’obligation des panneaux solaires sur les parkings extérieurs

La loi « Énergies renouvelables » du 10‑3-2023 a créé l’obligation d’installer progressivement des panneaux solaires sur les parcs de stationnement extérieurs de plus de 1 500 m². Ces parkings devront accueillir des panneaux solaires sur au moins la moitié de leur surface. Afin d’encourager l’achat des panneaux solaires fabriqués sur le sol européen, la loi industrie verte permet aux gestionnaires de grands parkings qui commandent de tels produits de bénéficier d’un an et demi supplémentaire pour se conformer à cette obligation, avec une échéance fixée au 1‑1-2028 et non plus au 1‑7-2026 pour les parkings de 10 000 m² et plus. L’échéance reste fixée au 1‑7-2028 pour les parkings dont la surface est comprise entre 1 500 m² et 10 000 m² (Loi art. 23).

 

Verdir la commande publique

Création de nouveaux motifs d’exclusion

La loi accélère la prise en compte de critères environnementaux dans la commande publique en créant de nouveaux motifs d’exclusion des marchés publics.

Absence de BDESE. Pourront être exclues des marchés publics les entreprises de plus de 500 salariés ne satisfaisant pas à l’obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation (Loi art. 29, I-3° et I-6° ; C. commande publ. art. L 2141‑7-2 et art. L 3123‑7-2 nouveaux) ; Le montant de l’amende encourue pour ne pas avoir établi le BEGES est porté à 50 000 € au lieu de 10 000 € auparavant (Loi art. 29, IV ; C. envir. art. L 229‑25 modifié).

Absence de publication d’informations en matière de durabilité. Par ailleurs, le gouvernement est habilité à prendre par ordonnance des mesures pour exclure de la commande publique les sociétés ne publiant pas leur rapport de durabilité. Ainsi, les entreprises ne respectant pas leurs obligations de publication d’information en matière de durabilité conformément à la directive européenne CSRD

2022/2464 du 14‑12‑2022 sur le reporting extra-financier, en cours de transposition, pourront être exclues des procédures de passation des marchés publics (dont les marchés de défense et de sécurité) et des contrats de concession. Ces mesures devront être prises par voie d’ordonnance au plus tard 3 mois à compter de la promulgation de la loi industrie verte, soit avant le 23-1-2024 (Loi art. 25).

Les collectivités locales pourront choisir ou non d’appliquer ces deux motifs d’exclusion.

Prise en compte de critères environnementaux dans la commande publique

Les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables

(SPASER) sont étendus à l’État (Loi art. 29, I-1°-a ; C. commande publ. art. L 2111‑3 modifié).

La mise en place du critère environnemental dans les marchés publics est prévue au plus tard le 22-8-2026 par la loi Climat.

La loi industrie verte prévoit que la prise en compte obligatoire de critères environnementaux dans les marchés publics pourra être fixée par décret en fonction de l’objet du marché (Loi art. 29, II). Elle rappelle par ailleurs qu’une offre « économiquement la plus avantageuse » s’apprécie également en fonction d’aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux (Loi art. 29, I-4° ; C. commande publ. art. L 2152‑7 et art. L 3124‑5 modifiés).

 

Créer un indicateur climat

La loi industrie verte autorise la Banque de France à recueillir des données d’entreprises liées aux enjeux de durabilité, afin de produire un « indicateur climat » à disposition des entreprises et des acteurs financiers. L’objectif est de faciliter la compréhension par les banques de l’impact des entreprises sur les enjeux environnementaux (Loi art. 33).

 

Conditionner les aides publiques à la transition écologique

Le bénéfice d’aides publiques à la transition écologique et énergétique de l’État et de ses opérateurs, en particulier l’Ademe ou Bpifrance, sera désormais soumis à l’obligation de mesurer leur impact environnemental (Loi art. 29, VII) :

– pour les personnes morales de droit privé employant plus de 500 personnes (250 personnes dans les DROM) via la transmission d’un BEGES (C. envir. art. L 229‑25, II) ;

– pour celles employant entre 50 et 500 salariés via la publication d’un bilan simplifié des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre.

Un décret définira les modalités de mise en oeuvre de cette mesure et, notamment la méthode d’élaboration du bilan simplifié pour les entreprises de 50 à 500 salariés.

Cette mesure entrera en vigueur le 1‑6-2024.

 

Crédit d’impôt pour investissements en faveur de l’industrie verte

Afin d’encourager les investissements dans les secteurs stratégiques pour la transition énergétique, le projet de loi de finances pour 2024 en cours de discussion au Parlement institue un nouveau crédit d’impôt en faveur de l’industrie verte applicable aux entreprises industrielles et commerciales, imposées selon un régime réel ou exonérées. Seraient éligibles les investissements réalisés dans le cadre d’activités spécifiques liées à la production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur. Ces activités s’entendraient :

– de la fabrication des équipements en tant que tels et des composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production de ces équipements ;

– de l’extraction, du raffinage, de la production et de la transformation des éléments nécessaires à la fabrication des équipements et de leurs composants ;

– de la valorisation des matières premières critiques nécessaires à la production des équipements et de leurs composants susmentionnés.

Ce dispositif devrait concerner les projets d’investissement dont la demande d’agrément est déposée à compter de la date de présentation du projet de loi de finances pour 2024, soit en pratique à compter du 27‑9-2023, et pour lesquels l’agrément est délivré au plus tard le 31‑12‑2025. Le service d’examen des demandes d’agrément est d’ailleurs déjà ouvert et les entreprises peuvent déposer leur demande dès à présent à l’adresse suivante : c3iv@dgfip.finances.gouv.fr.

 

Une mesure pour l’épargne retraite supplémentaire d’entreprise

Rappel. La loi Pacte 2019‑486 du 22‑5-2019 a réformé l’épargne retraite en mettant en place de nouveaux plans d’épargne retraite d’entreprise (Pere), à savoir le plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco, C. mon. fin. art. L 224‑13 à L 224‑22) qui a remplacé le plan d’épargne retraite collectif (Perco) et le plan d’épargne retraite d’entreprise obligatoire (Pero, C. mon. fin. art. L 224‑23 à L 224‑26) qui s’est substitué aux anciens contrats de retraite supplémentaire à cotisations définies « article 83 ».

Transfert collectif d’un Perco vers un Pereco.

L’article 2 de l’ordonnance 2019‑766 du 24‑7-2019 a prévu que l’entreprise ayant mis en place un Perco peut décider de transférer collectivement les droits en cours d’acquisition sur le Perco dans un nouveau Pereco. Ce transfert doit intervenir dans un délai de 6 mois, et les salariés doivent être informés des conséquences de ce transfert, des caractéristiques du nouveau plan et des différences entre le Perco et le Pereco (C. mon. fin. art. L 224‑40, IV).

Seuls les droits individuels en cours de constitution sur un ancien contrat de retraite supplémentaire « article 83 » sont transférables sur un plan d’épargne retraite (Per), lorsque le salarié n’est plus tenu d’y adhérer, mais aucun transfert collectif des droits en cours d’acquisition dans un ancien régime de retraite supplémentaire à cotisations définies « article 83 » vers un nouveau Pero n’est prévu actuellement.

Cette possibilité est désormais introduite par l’article 38 de la loi 2023‑973 du 23‑10‑2023 relative à l’industrie verte.

Transfert collectif des droits acquis sur un contrat de retraite supplémentaire « article 83 » vers un Pero. Sous réserve de stipulations contractuelles contraires, l’entreprise souscriptrice d’un contrat de retraire supplémentaire « article 83 » peut décider de transférer collectivement les droits en cours d’acquisition vers un Pero selon l’une des modalités fixées à l’article L 911‑1 du CSS, à savoir par conventions ou d’accords collectifs, par ratification à la majorité des intéressés d’un projet d’accord proposé par le chef d’entreprise ou par une décision unilatérale du chef d’entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé (C. mon. fin. art. L 224‑40, IV bis nouveau).

L’entreprise doit informer les salariés adhérents au contrat des conséquences de ce transfert, des caractéristiques du nouveau Pero et des différences entre le Pero et le contrat « article 83 » transféré.

Ce transfert collectif des droits acquis sur un contrat de retraite supplémentaire « article 83 » vers un Pero ne sera possible qu’une fois son décret d’application publié.

 

Quelques constats :

– depuis les 50 dernières années, 2,5 millions d’emplois industriels ont été détruits et la part de l’industrie dans la richesse nationale a été divisée par deux, passant de 22 % à 11 % du PIB, ;

– l’industrie française représente 18 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre nationales ;

– l’industrie décarbonée représente un enjeu de souveraineté.

 

Remarque : Pour rappel, la directive européeenne « CSRD » 2022/2464, dont la transposition en France aura lieu au plus tard le 9-12-2023, va renforcer les exigences de publication d’informations en matière de durabilité par les grandes entreprises.

 

© Lefebvre Dalloz