Hormis le cas de la cotation en Bourse , le plus difficile consiste ici à trouver un ou des acquéreurs [§ 2]. En outre, certaines difficultés d’ordre particulier peuvent se présenter quand l’acquéreur est un héritier [§ 3] ou le conjoint [§ 4].
Un dirigeant peut considérer la cession à titre onéreux de son entreprise comme la meilleure solution pour la transmettre quand :
il n’a pas de descendance et, parmi ses collaborateurs et relations, il ne connaît personne qu’il juge capable de poursuivre l’exploitation,
ses héritiers n’ont ni l’envie ni la compétence pour lui succéder,
les relations entre les héritiers sont si tendues qu’ils ne s’accorderont jamais pour confier l’affaire à un seul d’entre eux ou pour la gérer ensemble,
la valeur patrimoniale de l’entreprise est tellement importante que les droits de succession seront trop élevés pour les possibilités des héritiers, etc.
Les acquéreurs peuvent être très divers :
sociétés de capital-développement, à condition que l’entreprise ait déjà atteint un certain volume mais recèle encore un potentiel de développement jugé important,
clients, dans le cas des entreprises de sous-traitance,
entreprises concurrentes ou complémentaires,
repreneur “professionnel”, susceptible de s’intéresser aux entreprises moins importantes que les sociétés de capital-développement,
autres associés ,
tiers ayant des fonds à investir, situation finalement assez rare, les investisseurs particuliers se montrant très timides et n’ayant pas toujours les capacités professionnelles nécessaires.
Quel que soit l’acquéreur, la vente de l’entreprise comporte de nombreuses difficultés qui varient selon son importance.
La vente d’une entreprise importante est affaire de longue haleine. Pour trouver un acquéreur, le dirigeant aura donc intérêt à commencer sa recherche longtemps avant d’abandonner les leviers de commande.
Il pourra s’adresser à différents intermédiaires ou directement aux repreneurs potentiellement intéressés.
Parmi tous ces repreneurs, les entreprises concurrentes ou complémentaires ainsi que les autres associés offrent, en règle générale, les meilleures opportunités.
La vente d’une petite entreprise artisanale ou d’un commerce se révèle simultanément plus facile et plus difficile que celle des entreprises importantes :
plus facile dans la mesure où elle est plus banale. Dans ce secteur, l’offre et la demande sont plus abondantes et peut-être mieux organisées grâce aux revues spécialisées et aux organisations professionnelles,
plus difficile dans la mesure où le coefficient personnel peut être très important et où l’entreprise individuelle connaît un certain déclin, particulièrement en ce qui concerne le petit commerce.
La vente de l’entreprise qui se situe, par le volume de ses affaires, entre l’entreprise individuelle et la PME est sans doute la plus difficile qui soit. Elle n’a pas atteint le volume suffisant pour intéresser la plupart des repreneurs ; elle n’a pas le marché des commerces et des entreprises artisanales. C’est le plus souvent dans ce cas – l’entreprise n’a pas atteint la taille critique et l’entrepreneur n’a pas de successeurs – qu’on doit se décider à dissoudre.
La vente aux héritiers peut paraître comme une solution intéressante, dans la mesure où elle permet au vendeur :
d’anticiper sur la succession sans se heurter aux difficultés entraînées par les donations ,
de ne pas se démunir totalement, puisqu’il encaissera le prix de la transaction,
de payer des droits plus faibles que dans le cas d’une cession à titre gratuit.
Une telle opération peut être effectuée avec réserve d’usufruit. Elle est licite, mais pose de délicats problèmes :
au plan fiscal et au plan civil, si le prix a été minoré et, a fortiori, s’il a été restitué à l’acheteur,
au plan fiscal, s’il y a réserve d’usufruit.
Le Code civil n’interdit pas de vendre un bien à un héritier. Cela étant, si le prix a été minoré – a fortiori s’il a été restitué –, l’opération pourra être considérée comme une donation déguisée avec toutes les conséquences que cela comporte : obligation de rapport, possibilité de réduction, difficultés en matière d’appréciation de la valeur de la donation.
La vente effectuée à un prix “normal” est parfaitement licite et ne donnera lieu à aucune contestation. Cela étant, il ne faut pas oublier que le fisc se montre toujours circonspect face à de telles opérations et a tendance à les examiner de très près.
Si le prix est manifestement inférieur à la valeur de l’entreprise, le fisc peut choisir entre deux solutions :
effectuer un redressement ,
ou requalifier l’opération en donation.
Dans le cas de requalification, le fisc utilise la procédure de l’abus de droit, car il s’agit d’une donation déguisée. Cette procédure entraîne des conséquences pécuniaires très lourdes pour le bénéficiaire (pour plus de détails ).
La restitution du prix à l’acheteur constitue une fraude, puisque l’opération a consisté à déguiser une donation en vente. Il convient, à ce propos, de rappeler que les pénalités sont particulièrement lourdes et que le délai de reprise de l’Administration s’étend sur 10 ans.
Les biens dont le vendeur a l’usufruit et les héritiers la nue-propriété sont considérés comme faisant partie de la succession. En effet, selon l’article 751 du CGI, toute valeur mobilière ou immobilière est présumée faire partie de la succession de l’usufruitier lorsque la nue-propriété appartient :
à des héritiers présomptifs (même renonçant au testament ou exclus de ce dernier),
à des donataires ou légataires,
à des parents, enfants, descendants et époux, d’une part ; aux enfants de l’autre époux issus d’un autre mariage, ainsi qu’aux parents dont le conjoint sera héritier présomptif au jour de la donation, d’autre part.
L’héritier devra donc s’acquitter des droits de succession sur la pleine propriété en imputant les droits déjà acquittés lors de l’achat. Cette présomption ne joue pas lorsque le démembrement de propriété résulte :
d’une succession ou de dispositions testamentaires,
d’une donation par contrat de mariage,
ou d’une donation régulière de la nue-propriété plus de 3 mois avant le décès.
Longtemps interdite par le Code civil, la vente entre époux est aujourd’hui licite, quel que soit le régime matrimonial. Le problème de la vente au conjoint se présente exactement comme celui de la vente à héritier [§ 3].
La vente au conjoint ne peut pas être annulée au motif qu’elle constituerait une donation déguisée, les donations déguisées entre époux étant valables.
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