Evaluer correctement l’entreprise est l’une des difficultés pouvant être rencontrée par le dirigeant qui souhaite, par exemple, quitter un jour son entreprise. Cette difficulté diffère selon que l’on se trouve en présence d’une entreprise individuelle ou d’une société.
Le prix est l’une des interprétations de la valeur de l’entreprise. Il s’établit selon la loi de l’offre et de la demande. Il n’est définitivement arrêté :
qu’après la conclusion de la transaction,
donc, après l’abandon de tout ou partie de la propriété de l’entreprise.
Le prix est fixé parfois indépendamment des deux autres valeurs.
La valeur “a priori” n’est utilisée ni en droit commercial ni dans le domaine de l’analyse financière ; elle a été forgée pour les besoins et la commodité de l’exposé.
En l’absence de vente effective, la valeur d’une entreprise ne peut être qu’estimée. Son prix de vente dépend largement des méthodes et conventions utilisées.
On peut appeler valeur “a priori” le résultat d’une telle estimation. Elle peut se définir comme l’opinion qu’un professionnel se fait de la valeur d’une entreprise, à un instant T, sans qu’il y ait vente de cette entreprise. Cette valeur constitue simplement le fondement de certaines décisions et/ou déclarations.
Valeur “a priori” et prix ne sont pas sans lien. En règle générale, en effet, les acquéreurs potentiels d’une entreprise auront recours aux méthodes d’estimation classiques pour définir une base de négociation.
La connaissance de la valeur “a priori” est indispensable pour des raisons d’ordre fiscal, social, juridique et financier.
Une estimation de la valeur de l’entreprise acceptable par le fisc constitue l’assiette :
de l’ISF si la participation du dirigeant est imposable ,
des droits de donation ou succession , ou des droits de mutation à titre onéreux ,
et de diverses taxes supportées par l’entreprise elle-même.
Il est nécessaire de déterminer une valeur plausible de l’entreprise lorsque les salariés participent à son capital, afin d’évaluer les actions qu’ils acquièrent.
Le dirigeant qui transmet ses biens à ses enfants doit le faire dans le cadre des lois qui règlent les successions et les libéralités. Ces lois imposent le respect de certaines règles en ce qui concerne les valeurs des parts attribuées.
Pour composer ces parts conformément à la loi, il faut donc obtenir une estimation de la valeur de l’entreprise qui soit, simultanément, acceptable par les héritiers et juridiquement défendable.
Le dirigeant qui veut ouvrir son affaire à des tiers doit être en mesure d’estimer les valeurs respectives des capitaux apportés et de l’entreprise.
À défaut, il n’est pas possible de savoir de quelle fraction de l’entreprise les apporteurs vont devenir propriétaires compte tenu du montant des capitaux apportés.
Ainsi l’évaluation de l’entreprise est-elle indispensable préalablement à tous les grands événements qui concernent son capital :
cession de parts quelle qu’en soit la forme,
augmentation du capital,
fusion-absorption, etc.
De toutes les évaluations devant être réalisées, l’estimation effectuée pour des raisons financières est évidemment celle qui doit être la plus proche du prix vraisemblablement obtenu en cas de vente.
On peut appeler valeur patrimoniale celle que l’entreprise revêt dans le patrimoine de l’entrepreneur.
Cette notion est importante. En effet, petite ou moyenne, l’entreprise constitue souvent le capital essentiel du dirigeant et de sa famille proche, qui ont investi l’essentiel de leurs disponibilités au détriment de leurs autres actifs.
Pour mesurer la valeur patrimoniale, il convient d’opérer une distinction entre deux situations fort différentes.
L’entreprise est souvent inséparable de son animateur :
ce dernier détient le savoir-faire indispensable, la confiance des clients, des fournisseurs, du personnel et de la banque,
il exécute lui-même une bonne part du travail.
S’il disparaît, l’entreprise risque de cesser rapidement son exploitation. Cette situation se rencontre particulièrement :
dans l’entreprise très jeune,
dans les entreprises de petite ou très petite taille,
et dans certaines sociétés de services, car, en ce domaine, le “coefficient personnel” revêt une très grande importance.
Pour l’acquéreur potentiel, une telle entreprise risque fort de constituer une “coquille vide”.
Cela ne signifie pas que l’entreprise n’ait aucune valeur patrimoniale, mais indique qu’elle n’offre toutefois pas de réelle possibilité de se procurer un capital par voie de cession à titre onéreux.
La valeur patrimoniale est alors égale :
à la valeur actualisée des revenus que le dirigeant et sa famille sont susceptibles d’en tirer,
ou à la valeur à la casse.
Il ne faut jamais oublier que, dans cette dernière hypothèse, l’entreprise risque non seulement de ne pas avoir de valeur du tout, mais qu’elle peut représenter une valeur négative – donc un élément potentiel de passif –, compte tenu de frais inévitablement engendrés par un arrêt de l’exploitation.
Malheureusement, la distinction entre valeur “a priori” et valeur “patrimoniale” est totalement étrangère au fisc. En effet, l’administration fiscale a tendance à se fier aux méthodes traditionnelles et admet difficilement qu’une entreprise puisse avoir une valeur a priori positive et une valeur patrimoniale nulle ou négative.
Les héritiers qui ne renoncent pas à la succession – notamment pour recevoir les autres biens qu’elle comporte – risquent alors d’avoir à payer pour une non-valeur.
Dans d’autres cas, l’entreprise est en mesure de survivre à la disparition de son animateur :
parce qu’il existe des successeurs,
parce que la reprise ou la succession ont été préparées longtemps à l’avance,
et/ou parce qu’il n’y a pas de relation intuitu personae forte entre le dirigeant et l’environnement de l’entreprise,
et/ou parce que la valeur de l’entreprise est directement fonction de celle de ses actifs – entreprise immobilière, par exemple, etc.
L’acquéreur potentiel ne risque pas de voir la valeur de l’entreprise disparaître ou baisser du fait du changement de dirigeant.
C’est la seule hypothèse où la valeur patrimoniale de l’entreprise se rapproche de sa valeur a priori ou de son prix.
© Copyright Editions Francis Lefebvre